Damien BOUTY
Le Désert remplit le cœur des hommes de visions

Commissariat
Vincent Gobber
Exposition du 3 juin au 30 octobre 2020
Dans le cadre du programme hors les murs des 25 ans de L’Assaut de la menuiserie, les sculptures de Damien Bouty sont présentées dans la cour intérieure.

Avant, dans cette cour, à cet emplacement, il y avait quelque chose. Puis, à la faveur d’une opération radicale, l’emplacement devait subir une modification. En un mot : le bar fut détruit*, laissant place vide ou à un désert (un petit désert). Lieu propice au sacré. C’est ce désert qui inspira à Damien Bouty l’élaboration d’une nouvelle zone, d’un nouvel état de l’espace, d’un passage à un nouvel état de l’espace. C’est ici, comme sur le chemin des bohémiens de Baudelaire, que l’on fait « fleurir les déserts ».

Rappels de la structure fantôme du bar qui fut, deux poteaux se dressent. Figure puissante et simple comme un archétype. Celui-ci nous renseigne précisément sur la forme privilégiée de la modification, du passage d’un état à un autre, voire de la métamorphose : le portail.

Deux poteaux se dressent (notez la hauteur, la rupture du rouge, la verticalité impeccable) et s’enracinent (notez les cordes agrippées aux fissures du sol, notez la floraison) : deux mouvements contraires, deux directions. Ces forces parlent de notre perception de l’espace bien sûr, mais parce qu’il s’agit de cet espace, ce sont aussi des forces temporelles. Des questions que ces deux crémaillères, nées de l’industrie et donnant forme à l’une des figures les plus archaïques, peuvent à la fois résoudre et surtout poser.

Le portail établit donc cette géométrie de tensions diverses, où des forces s’équilibrent et se confrontent. En cela, il est aussi la voie propice à la méditation — le portail, avant tout, désigne bien l’entrée d’un édifice religieux, entrée par laquelle nous passons dans un autre monde, où nous passons du matériel à l’immatériel, du présent au passé ; où les couleurs attendent des interprétations, les lignes leurs augures ; où le ciel s’est fait image, et les fleurs offrandes. Enfin, au long de la saison, nous aurons le loisir d’observer les modifications, les rêveries, les forces et les fragilités nouvelles qui apparaitront, ici.

Frédéric Montfort, 2020

* En 2020, la cour intérieure du bâtiment est restaurée pour accueillir des œuvres en extérieur. Jusqu’en 2019, un large bar mis à la disposition du public lors des vernissages l’occupait.


As part of the program outside the walls of the 25 years of L’Assaut de la menuiserie, the sculptures of Damien Bouty are presented in the inner courtyard.
Before, in this courtyard, at this location, there was something. Then, thanks to a radical operation, the site had to undergo a modification. In a word: the bar was destroyed*, leaving an empty place or a desert (a small desert). Place conducive to the sacred. It is this desert that inspired Damien Bouty to develop a new zone, a new state of space, a transition to a new state of space. It is here, as on the way of the bohemians of Baudelaire, that one makes «bloom the deserts».

Reminiscent of the ghost structure of the former bar, two poles stand. Powerful and simple figure like an archetype. It tells us precisely about the privileged form of the modification, the transition from one state to another, even the metamorphosis: the portal.

Two poles stand up (note the height, the break of the red, the impeccable verticality) and root (note the ropes clinging to the cracks of the soil, note the flowering): two opposite movements, two directions. These forces speak of our perception of space of course, but because it is about this space, they are also temporal forces. Questions that these two racks, born of industry and giving shape to one of the most archaic figures, can both solve and above all ask.

The portal thus establishes this geometry of various tensions, where forces balance and confront each other. In this, it is also the way conducive to meditation—the portal, first of all, is the entrance to a religious edifice, through which we pass into another world, where we pass from material to immaterial, from the present to the past; where colors await interpretations, lines their omens; where the sky has made itself image, and flowers offerings. Finally, throughout the season, we will have the opportunity to observe the changes, daydreams, forces and new fragilities that will appear here.

Frédéric Montfort, 2020