Matthieu Haberard, Look Mom I Am a Wolf, 2021, L’Assaut de la menuiserie © C. Cauvet

Matthieu HABERARD
Look Mom I Am a Wolf

Commissariat
Vincent Gobber
Exposition du 3 avril au 7 mai 2021

Une partie de l’exposition présente les travaux produits par les étudiants avec Matthieu Haberard lors d’un workshop, du 22 au 26 mars à L’Assaut de la menuiserie : avec Élise Bernard, Chloé Hertz, Clément Darlix, Julien Dzviga, Estelle Gadoud, Pauline Petit, Colin Riccobene (étudiants Esadse et UJM Saint-Étienne).

« Je suis exactement ce que tu vois, 
et tout ce que tu redoutes est derrière »
– Elias Canetti, Masse et puissance

Le loup solitaire constitue une figure, une figure dont les formes sont à la fois variées et d’une remarquable constance : évocation de l’imaginaire terrifique de l’enfance, entité hybride (devenu solitaire, le loup est plus que jamais proche du chien et donc proche de l’homme), appartenant à la mythologie populaire comme à la mythologie antique : figure du passage, de l’animal à l’homme, de la vie à la mort. Le loup solitaire est une figure de la traversée. Par définition, le loup solitaire traverse un désert.

Traverser un désert, ce n’est pas grave, car (contrairement à nos impressions du moment) ça ne dure pas. Mais, durant cet intervalle, il nous faut nous aménager une récréation. Cette récréation en compagnie de Matthieu Haberard restitue cet âge antique, fait des plus grandes guerres, des théâtres sanglants, des héros redoutables, des métamorphoses spectaculaires : l’enfance. L’exposition est l’occasion de fournir une réponse productive et récréative à cette traversée : ainsi un groupe d’étudiants y est invité à participer au travail, à briser un peu le mauvais charme de la solitude au sein de L’Assaut de la menuiserie.

Cependant, une figure procède d’une métamorphose incessante – et en cela le loup solitaire est la métaphore même de la figure : un loup solitaire est un loup errant – sa fluidité nous échappe. À l’artiste la charge d’en capturer une forme : voilà donc le masque. Or le masque est l’aboutissement d’une métamorphose, le lieu où cette métamorphose se fige (à moins d’arracher le masque à qui le porte, nous sommes au bout du processus). Le masque répond ainsi au problème de la difficulté à fixer une métamorphose. Sa forme rigide suspend et bouleverse nos habitudes de fluidité plastique. Jean-Jacques Rousseau constate : « Tous les enfants ont peur des masques ». Le masque, stoïque, nous confronte : il recouvre un mystère et, disons-le, une menace. « Je suis exactement ce que tu vois, dit le masque, et tout ce que tu redoutes est derrière ».

Look Mom I Am a Wolf est la rencontre d’un loup solitaire et d’un masque, autrement dit : une errance qui trouve un endroit où habiter. Dans cet espace, et comme le suggère le titre, s’exprime une joie secrète que nous dissimulons au quotidien : oui, je suis un monstre !

Frédéric Montfort, 2021
pour L'Assaut de la menuiserie
instagram de l’artiste
giannimanhattan.com
Avec le soutien de l’Esadse et de l’UJM