Regarder le soleil dans les yeux © Clémentine Fort, 2020
Regarder le soleil dans les yeux © Clémentine Fort, 2020

Clémentine FORT
Regarder le soleil dans les yeux

Commissariat
Vincent Gobber
Exposition du 12 septembre au 17 octobre 2020
Dans le cadre du programme hors les murs des 25 ans de L’Assaut de la menuiserie, l’exposition est organisée en partenariat avec le Bel ordinaire, espace d’art contemporain de la Communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées.
Préparée sur cinq temps de résidence à Pau et Saint-Étienne de février 2019 à septembre 2020, cette exposition est l’occasion d’une nouvelle collaboration avec l’équipe du Bel ordinaire.

« The world is turning,
I hope it don’t turn away,
The world is turning,
I hope it don’t turn away, »
Neil Young, On the Beach

Regarder le soleil dans les yeux nous invite à une épreuve de courage : regarder en face notre quotidien. Ce que nous devenons lorsque nous devons partager l’espace nous est montré en deux scènes.

Dans la première scène, l’impression initiale est celle de l’ordre apparent : dans cette atmosphère calme de fin d’été, sur la plage, les objets sont disposés avec l’application d’un intérieur bien tenu. Nous le savons, il faut se méfier de notre première impression, car c’est toujours la bonne : l’ordre, en effet, n’est qu’apparence.

Le menu mobilier se signale par son inachèvement, des « presqu’objets » dont la fonction est retranchée, dont l’usage est manifestement équivoque, des objets à la dérive, dérivés. Rassemblé ainsi comme rescapé après un ravage, cet inventaire procède bien d’une forme d’intérieur domestique. Cependant il semble surtout l’expression de l’autre intérieur, celui que l’on nomme l’âme.

La seconde scène révèle l’envers du décor, et ce à deux titres : d’une part le décor n’en est pas un (l’intérieur domestique est l’intériorité de l’être). D’autre part, derrière l’ordre se cache la tempête.

Ici est explicitée la contiguïté de l’espace domestique avec l’âme. Le lien avec le corps est aussi révélé. Ici le bruit du ravage y est retentissant. Aux objets rassemblés répondent les membres éparpillés (au sol, aux murs, aux meubles), la brûlure, la morsure, l’ablation, l’abandon. Nous sommes dans la chambre noire où sont disséminées les traces d’un théâtre de la cruauté. Ce que nous percevions d’abord comme la fin d’une saison d’été se révèle être l’issue d’une saison en enfer. Regarder le soleil dans les yeux, c’est en connaître la brûlure.

Le travail de Clémentine Fort expose la crise du quotidien partagé qui se mue en guerre de territoire : nous traversons ce presque carnage (car tout n’est pas détruit) ; et, si les cendres semblent encore fumantes, l’équilibre est en sa demeure et l’harmonie perce, comme un rayon.

Frédéric Montfort, 2020 
pour L'Assaut de la menuiserie

« Ça y est, c’est la fin.
Le moment où tout se lie, où les fragments éparpillés se rejoignent et s’assemblent.
Le moment où les formes et les mots qui étaient posés les uns à coté des autres s’emboitent et trouvent leur place naturellement. Le moment où, l’évocation de la relation entre Le Corbusier et Charlotte Perriand parle bien de la domination des hommes sur les femmes.
Le moment où le corps morcelé de la femme devient l’image des dégâts qu’engendre cette prise de pouvoir. Le moment où ce qui est caché prend l’apparence de bouts de corps qui remontent à la surface. Le moment où l’eau se retire et laisse apparaître les épaves. 
Le moment où il s’agit de ne pas fermer les yeux sur ce qu’on voit, sur ce qui est. Le moment où les apparences tombent et le regard reste droit. Regarder le soleil dans les yeux. C’est encore et toujours le moment. »

Clémentine Fort, 2020
clementinefort.com
exposition en partenariat avec Le Bel ordinaire

As part of L’Assaut de la menuiserie’s 25th anniversary « hors les murs » program, the exhibition is organized in partnership with Bel ordinaire, a contemporary art space run by the Communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées.

Prepared over five residency periods in Pau and Saint-Étienne from February 2019 to September 2020, this exhibition is the occasion for a new collaboration with the Bel ordinaire team.

« The world is turning,
I hope it don’t turn away,
The world is turning,
I hope it don’t turn away, »
Neil Young, On the Beach

Regarder le soleil dans les yeux invites us to a test of courage: to face up to our daily lives. What we become when we have to share space is shown in two scenes.

In the first scene, the initial impression is one of apparent order: in this calm late-summer atmosphere on the beach, objects are arranged with the application of a well-kept interior. As we all know, we must be wary of our first impression, because it’s always the right one: order, in fact, is only appearance.

The furniture is characterized by its incompleteness, by « almost-objects » whose function has been removed, whose use is clearly equivocal, objects adrift, derivative. Assembled like a survivor after a devastation, this inventory is indeed a form of domestic interior. But above all, it seems to express the other interior, the one we call the soul.

The second scene reveals the other side of the coin, on two counts: firstly, the décor is not a décor (the domestic interior is the interiority of being). Secondly, behind the order lies the storm.

Here, the contiguity of domestic space with the soul is made explicit. The link with the body is also revealed. Here, the sound of devastation is resounding. Gathered objects are answered by scattered limbs (on the floor, walls, furniture), burning, biting, removal, abandonment. We are in the dark room, where the traces of a theater of cruelty are scattered. What we first perceive as the end of a summer season turns out to be the end of a season in hell. To look into the eyes of the sun is to experience its burn.

Clémentine Fort’s work exposes the crisis of shared daily life, which turns into a territorial war: we pass through this near-carnage (for not everything is destroyed); and, if the ashes still seem to be smoldering, equilibrium is at home and harmony shines through, like a ray.

Frédéric Montfort, 2020

« This is it, the end.

The moment when everything comes together, when the scattered fragments join and come together.

The moment when shapes and words that were laid side by side fit together and find their natural place. The moment when the relationship between Le Corbusier and Charlotte Perriand speaks volumes about the domination of men over women.

The moment when a woman’s fragmented body becomes the image of the damage caused by this power grab. The moment when what is hidden takes on the appearance of body parts that rise to the surface. The moment when the water recedes, revealing the wreckage.

The moment when we must not close our eyes to what we see, to what is. The moment when appearances fall away and the gaze remains straight. To look the sun in the eye. It’s that moment again and again. »

Clémentine Fort, 2020