© Célia Muller, L’amour et la rage (détail), 2023

Célia MULLER
Évocations

Commissariat
Vincent Gobber
Exposition du 27 octobre au 8 décembre 2023
Vernissage le jeudi 26 octobre à partir de 18 h
L’artiste était en résidence à l’Assaut de la menuiserie du 13 au 26 octobre 2023.

Célia Muller est née en 1992 et est originaire de Meisenthal. Elle vit et travaille à Metz où elle obtient en 2020 son DNSEP Art à l’École Supérieure d’Art de Lorraine.
Sa pratique du dessin se développe en lien étroit avec la photographie, la vidéo ou l’écriture, traversant par des formes hybrides et poétiques les rapports à la mémoire, à l’espace et au temps ancrés dans le quotidien.

« Et l’on en croise, des fantômes, dans les dessins de Célia Muller. Peut-être parce que ceux-ci sont comme les spectres des photographies dont l’artiste se sert quasi toujours pour travailler. Des photographies qui sont déjà, en elles-mêmes des apparitions, des réceptacles pour les âmes qui les regardent et celles qui s’y lovent pour l’éternité. » — Marie Cantos, Le souffle indistinct des images

« Célia Muller n’utilise pas la couleur. Elle a bien essayé, mais son tropisme se situe ailleurs : dans les vibrations, les intensités, les profondeurs, dans les gammes argentées, dans les fractures du noir et blanc. Elle dessine avec cette maestria depuis l’enfance. » — Annabelle Gugnon, 2021, Art Press, 489, pp. 14–16.


Pris dans son sens commun, évoquer c’est « rappeler au souvenir ». Par l’évocation, il s’agit de faire apparaître à l’esprit quelque chose, et bien souvent cette chose nous vient du passé. Évoquer, dans un sens vieilli, signifie « appeler, faire apparaître par la magie » : on évoque alors volontiers les esprits, les morts, les mânes des ancêtres. Nous sommes parmi des fantômes, mais ils nous donnent l’impression de nous être familiers.

C’est que ce qui nous apparaît ici nous vient des archives des clichés de familles, photographies profanes, oubliées, désormais inutiles — en un mot : une vaste collection de « temps perdu ». C’est à partir de ce trésor informe et anonyme que Célia Muller « développe » des images neuves et singulières. Penchée sur ce passé dont l’habitude humaine a retiré le sens, l’artiste procède à une évocation — évoquer signifie littéralement « ressusciter » des figures.

Cependant, l’artiste n’est pas Dieu. Ce dont témoignent les œuvres de Célia Muller, c’est que faire revivre le passé ne relève pas du miracle, mais requiert du temps et du travail. Que l’on s’imagine une caverne où toutes ces mémoires sont archivées, une caverne sans lumière : l’artiste cherchera à en creuser les parois jusqu’à percer un trou dans le mur, à trouver une fenêtre, une lumière, une forme singulière. C’est ici que la pelle¹ prend son sens, un sens que Marcel Proust — qui s’y entendait en matière de résurrection du passé — connaît : « Je savais très bien que mon cerveau était un riche bassin minier, où il y avait une étendue immense et fort diverse de gisements précieux. Mais aurais-je le temps de les exploiter ? ». Qui fait revivre le passé est « le seul ouvrier mineur capable d’extraire ces minerais ».

Enfin, les dessins de Célia Muller nous renseignent sur les qualités de ces réminiscences : nous percevons celles-ci comme le lieu de l’ambigüité, de l’entre-deux. Joindre deux temporalités différentes, hors de toute chronologie, c’est prendre le parti nécessaire de l’hybride et de l’étrange : entre l’éveil et le sommeil, entre chien et loup, parmi des dessins qui ont l’air de clichés photographiques, face à des mains qui nous rappellent à quel point la forme humaine est étonnante — tout cela rappelle à notre mémoire ce que furent nos premières visions du monde, lorsque nous en percions le mur. Dans notre effort pour discerner une forme, celle-ci nous apparaît à la fois inquiétante et belle.

Frédéric Montfort

1. Voir les œuvres de Célia Muller :
Trou(v)er l’espace, 2023, gravure sur bois, pelle à charbon, 13 × 27 × 3 cm
J’ai fait un rêve 1, 2019, gravure sur bois, pelle, 154 × 27 × 27 cm

Lien : 
https://celiamuller.com/
L’exposition bénéficie du soutien de :
la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes
la Région Auvergne-Rhône-Alpes
Saint-Étienne Métropole

Partenaires du projet :
La galerie Maïa Muller (75003 Paris)